Le SNTPCT interpelle le Ministre de la Culture
et les syndicats de producteurs
Pour permettre aux films à l’économie fragile d’exister, et d’être réalisés avec des professionnels qualifiés, notre syndicat, le SNTPCT a fait une proposition qu’il a soumis au Ministre de la Culture et qui consiste à instituer dans le cadre du CNC une ligne de crédit ouverte aux producteurs dont l’objet est de garantir aux ouvriers et techniciens dans tous les cas le paiement de la totalité de leurs salaires minima conventionnels.
La proposition du SNTPCT :
Les subventions du Fonds de soutien de l’Etat à la Production Cinématographique doivent être réorientées et garantir le paiement des salaires minima de la Convention Collective Nationale de la Production Cinématographique
Le CNC dispose largement des moyens financiers à cet effet.
Le produit financier de la Taxe Spéciale Additionnelle prélevé par le CNC sur l’exploitation des films étrangers doit être affecté :
Il faut mettre un terme à la duplicité des Syndicats de Producteurs et de nos Autorités de Tutelle, Ministère de la Culture et CNC.
Nous sommes soucieux de permettre aux films les plus fragiles d’exister et d’être réalisés avec des professionnels qualifiés comme il en est pour tous les films, c’est indispensable.
Aucun film ne saurait être agréé au bénéfice du Fonds de soutien automatique ou des aides sélectives si l’entreprise de production ne justifie pas du paiement des salaires conventionnels et charges sociales des ouvriers et techniciens qui auront réalisé le film.
C’est un préalable absolu à l’agrément au bénéfice du Fonds de soutien.
Soulignons qu’il s’agit d’une mesure financière sans véritable impact sur les montants du Fonds de soutien et notamment sur la part réservée à la majoration du soutien automatique producteurs.
En effet, il s’agit seulement d’un Fonds de garantie, d’une ligne de crédit.
L’argent est là, disponible au CNC, c’est de l’argent public, payé par le public : il n’appartient pas aux producteurs.
Il doit servir l’intérêt général de la Production Cinématographique française et de sa diversité de création.
Texte de la lettre adressée à Monsieur le Ministre de la Culture le 29 janvier2007
Paris, le 29 janvier 2007
Monsieur R. DONNEDIEU DE VABRES
Ministre de la Culture
Monsieur le Ministre,
L’excellence du Cinéma français est vitale à son existence, aujourd’hui peut-être plus qu’hier, au sens où il doit affirmer fortement son identité culturelle spécifique, son identité d’écriture technique et artistique le distinguant des autres formes d’expression audiovisuelles.
Le spectateur est exigeant, qu’on ne s’y trompe pas.
Dans le cadre économique et institutionnel qui est le sien, les dispositions réglementaires du Soutien financier de l’Etat sont capitales à son existence, à sa diversité.
Durant ces dernières années, et notamment depuis 1999, où ont été réformées les dispositions présidant aux diverses aides du Fonds de soutien et notamment supprimée la demande d’agrément préalable au tournage des films , force est de constater une dérive engendrée par les mécanismes actuellement en vigueur et de constater que ces derniers doivent être réorientés et redéfinis afin de mieux recadrer notre Production Cinématographique.
En 2004, concernant la Production Cinématographique, vous écriviez :
« Il est indispensable de modifier certains comportements pour mettre un terme aux fraudes caractérisées au droit du travail mais aussi aux « divers arrangements » qui ont pu être tolérés dans le passé mais qui ne sont plus acceptables. »
« J’ai demandé par ailleurs à la Direction générale du CNC de bien veiller à ce que l’octroi des soutiens et des aides publiques soit conditionné par le respect de la réglementation du travail et pour tenir compte des pratiques d’emploi et de la volonté partagée de limiter les délocalisations de tournages. »
Dans ce cadre, vous avez pris une mesure financière et fiscale très conséquente pour contribuer, complémentairement au Fonds de soutien à l’Industrie cinématographique, à soutenir les Entreprises de production.
Vous avez en effet institué le crédit d’impôt au bénéfice de la Production Cinématographique qui, en réalité, finan-ce le coût d’un film à hauteur de 8 à 10 %.
Cette mesure fiscale à la charge de l’Etat s’est révélée, dans le cadre de la relocalisation des films, effectivement très incitatrice.
Malgré cette mesure qu’il faut saluer, force est de constater une dérive économique, financière et sociale dans les conditions de production d’un certain nombre de films.
Chaque année, une soixantaine de films bénéficient de l’Avance sur recettes. Pour certains d’entre eux, l’on constate que les producteurs ne réussissent pas toujours à réunir les financements complémentaires, nécessaires à leur bonne réalisation. La plupart du temps, l’investissement du producteur se limite à la mise en participation des frais généraux de son entreprise.
Ce défaut de financement nécessaire à la bonne réalisation du film amène certains producteurs à conditionner l’embauche et l’emploi de l’équipe technique et ouvrière qui réalisera le film à la cession d’une part plus ou moins importante (moins 20 à moins 30%) de leur salaire conventionnel en contrepartie d’un remboursement hypothétique sur les recettes à venir.
Il s’agit en réalité d’un crédit de salaire obligé qui entre dans le financement du film, concédé par les ouvriers et techniciens de l’équipe.
Ainsi, les producteurs font porter par les ouvriers et techniciens la responsabilité économique d’investisseur leur incombant et qu’ils devraient assurer eux-mêmes.
Ainsi, certains producteurs instituent d’une part, un chantage à l’emploi, et dans le même temps, obligent les techniciens et ouvriers à suppléer à leur responsabilité économique, financière et sociale.
Comme vous le soulignez dans votre déclaration, ces comportements et divers arrangements ne sont pas acceptables.
Depuis la réforme de l’Agrément qui a supprimé l’obligation faite aux producteurs, préalablement au tournage de tous les films, de présenter un devis en justifiant du financement, nous assistons de la part de certains producteurs à cette même pratique : « pourquoi l’acceptez-vous pour les films financés par l’Avance sur recettes et pas pour tous les films ? »
C’est le raisonnement que tiennent ces producteurs.
Nous considérons que tous ces films se doivent d’exister et être réalisés avec des professionnels qualifiés, comme tous les films.
Ce n’est pas avec une part des salaires des ouvriers et techniciens qu’ils doivent l’être.
En réalité, il s’agit d’un chantage à l’emploi, mis à profit par certains producteurs pour diminuer leurs risques financiers et détourner à leur profit le montant des salaires que leur ont cédé, sans liberté de choix, les ouvriers et techniciens. Ceci est proprement scandaleux.
Soulignons que la masse salariale de l’équipe ouvrière et technique représente en moyenne 20 % du coût des films.
Faut-il souligner que le choix professionnel et de vie des ouvriers et techniciens détermine un parcours professionnel et social qui, en termes de revenu salarial, est très loin d’être mirifique.
Au moment de la prise de retraite, on s’aperçoit que les revenus de leur vie
professionnelle en moyenne, est à peine équivalent -quand il n’est pas inférieur- à ceux d’un ouvrier professionnel de l’industrie, alors que leur compétence et leur savoir technico-artistique nécessite une longue formation.
Il doit être mis un terme à cette situation socialement et professionnellement scandaleuse. En effet, les salaires ne sauraient être une variable d’ajustement pour boucler le financement d’un film et être des créances sur d’hypothétiques recettes.
Et pour mettre un terme à cette pratique illégale et, dans le même temps, à la dégradation de la qualité technico-artistique des films, aucun film ne doit être agréé au bénéfice du Fonds de soutien et d’aides sélectives si les producteurs ne justifient pas du paiement des salaires minima conventionnels et des charges sociales des ouvriers et techniciens qui auront réalisé les films.
Cette règle doit être un préalable au bénéfice du Fonds de soutien de la Production cinématographique.
A cet effet, il convient de réorienter certaines des lignes du Fonds de soutien, permettant aux producteurs de disposer de financements complémentaires à la bonne réalisation des films qu’ils entreprennent.
Il en va de la diversité de la création et de la diversité de la Production Cinématographique française.
Le CNC, dans le cadre de la « collecte » de la TSA (Taxe Spéciale Addition-nelle), dispose largement des moyens financiers nécessaires pour ce faire.
Les produits financiers de la TSA sont constitués du Produit de la taxe prélevée sur le prix des billets de cinéma des films français comme des films étrangers.
- Le produit de la Taxe Spéciale Additionnelle de l’exploitation des films français est versé sur un compte bloqué des sociétés de production du film en vue de leur réinvestissement dans la production de films à venir.
- Le produit de la Taxe spéciale Additionnelle généré par l’exploitation des films étrangers est quant à lui mutualisé et permet au CNC de financer notamment les différentes aides sélectives à la Production Cinématographique française, entre autres l’Avance sur recettes, les aides à l’écriture, le court-métrage, etc. ; et également d’abonder les Fonds de soutien régionaux à hauteur d’un euro CNC pour un euro région.
Une part de ce produit mutualisé résultant de l’exploitation des films étrangers est utilisée pour majorer les montants du Soutien financier dont sont crédités les producteurs de films français.
Cette majoration est de 25 % pour les entreprises de production déléguées et de 15 % pour les entreprises coproductrices, en particulier les filiales cinéma des entreprises de diffusion télé.
En 2004, le montant versé par le CNC au titre de la majoration du soutien pour les entreprises de production déléguées et les entreprises coproductrices représente un montant global de plus de 17 millions d’euros.
Cette subvention de 17 millions d’euros est en réalité une subvention proportionnelle au succès d’exploitation des films. En effet, plus les recettes d’exploitation sont importantes, plus le montant résultant de cette majoration est élevé.
Nous proposons que cette part de TSA mutualisée, pour tout ou partie abonde une ligne de crédit ouverte aux entreprises de production qui ne justifient pas, lors de la demande d’agrément au bénéfice du Fonds de soutien, du paiement des salaires minima conventionnels des ouvriers et techniciens ayant participé à la réalisation du film.
Cette ligne de crédit doit être exclusivement réservée au règlement des créances salariales sous le contrôle, la responsabilité juridique et administrative du CNC.
Les montants ainsi réglés doivent être considérés comme une créance de trésorerie faite par le CNC à l’entreprise de production et doivent être garantis par un remboursement, incluant la part du Fonds de soutien, au premier euro des Recettes Nettes Part Producteurs délégués et Coproducteurs et, en dernier ressort, ce montant doit être constitutif d’une hypothèque du CNC sur le film.
L’argent est là, c’est de l’argent public, payé par le public ; il n’appartient pas aux producteurs.
Aussi nous vous demandons, comme vous l’avez déclaré, de mettre en œuvre dans les meilleurs délais cette réforme du Fonds de soutien.
Nous sommes soucieux de permettre l’existence réelle d’une diversité de création et de production et de permettre aux films les plus fragiles d’exister.
Par cette orientation de la politique du Soutien de l’Etat à la Production cinématographique, il s’agit d’assurer une diversité de création et de production et de permettre aux films « les plus fragiles », d’être réalisés dans de bonnes conditions techniques et artistiques.
Ces fonds sont disponibles et largement suffisants. Il convient de les mettre à disposition.
Monsieur le Ministre, l’argent est là, le CNC dispose de ces fonds et il vous appartient et il appartient au CNC, conformément à l’article 2 du titre I du Code de l’Industrie Cinématographique, de l’utiliser dans l’intérêt général de la Production Cinématographique Nationale.
Cette mesure peut être promulguée par vous sans délai par Arrêté ou par Décret. Il ne s’agit pas d’une modification législative.
Aussi nous voulons croire que vous mettrez en œuvre dans les meilleurs délais cette réforme en affectant une partie du produit de la TSA des films étrangers à cette ligne de crédit.
En vous remerciant de votre attention et dans l’attente d’une décision rapide de votre part, veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de nos sentiments les meilleurs.
Pour la Présidence,
Le Délégué Général
Stéphane Pozderec