Billet d’humeur
Des nombreuses mobilisations d’intermittents appelées par les uns et les autres pour refuser l’accord de l’UNEDIC du 22 mars vient de surgir un « collectif des intermittents de l’animation » qui nous appelle tous à nous unir et à « parler d’une seule voix ».
Tous : « Intermittents, permanents, employeurs, spectateurs, associations du cinéma d’animation… »
Employeurs ?!!!
Dans plusieurs studios on a vu des salariés, intermittents pour la plupart, permanents parfois, se mettre en « grève » ou publier des motions avec l’appui, et peut-être même parfois à l’appel de leurs propres « employeurs »…
Cette mobilisation des salariés de l’animation est certes une bonne nouvelle.
Plus surprenant est le soutien des producteurs et des studios (Voir appel du SPFA). La défense du régime d’indemnisation chômage des salariés intermittents de la production de films d’animation tient donc particulièrement à cœur aux producteurs, nos chers employeurs ?
Quand on connait l’ampleur du travail dissimulé dans la production de films d’animation, si l’on en croit les résultats du questionnaire auquel a répondu un grand nombre de storyboarders, quand on y découvre la somme d’heures travaillées qui ne sont ni payées ni déclarées, et quand on sait le nombre d’infractions à l’application des salaires minimas garantis, on comprend mieux pourquoi les producteurs ont tant besoin d’un régime d’assurance chômage qui vienne pallier à ces multiples manquements à leurs obligations et responsabilités d’employeurs !
Mais on comprend plus difficilement pourquoi les salariés se réjouiraient de ce soutien et rejoindraient des collectifs regroupant employeurs et salariés unis dans la défense de qui ? De quoi ?
D’un statu quo qui permettra aux uns de continuer à exploiter les autres, et aux autres de continuer à se faire exploiter en survivant aux crochets d’un système d’indemnisation chômage qui finira par en crever ?
Car les heures non payées, ce sont aussi des cotisations sociales dont est privé l’UNEDIC ! Des salaires minima non respectés, ce sont ces mêmes cotisations qui sont aussi amputées. Est-ce ainsi que nos employeurs prétendent défendre aussi notre régime d’indemnisation chômage ?
Nous ne sommes pas naïfs, et nous savons très bien que ce n'est pas dans un collectif regroupant indistinctement salariés et producteurs que nos intérêts seront les mieux défendus, puisqu'au contraire" c'est face à nos employeurs qu'il nous faut les défendre.
Comment ?
Il existe depuis quarante ans maintenant un « collectif » de techniciens de l’animation, intermittents pour la plupart qui lui aussi a refusé l’accord signé le 22 mars et s’est opposé à son agrément, mais qui surtout :
- défend à chaque négociation notre régime d’indemnisation chômage en proposant des projets de réforme adaptés aux spécificités de nos métiers,
- défend aussi ces métiers, grâce à une base conventionnelle pour l’animation obtenue après trente ans de lutte,
- défend les emplois en revendiquant auprès du CNC une réforme du Fonds de soutien qui permette de lutter vraiment contre les délocalisations,
- qui chaque année se bat pour le niveau des salaires.
Car défendre le régime d’indemnisation chômage, c’est d’abord :
- défendre nos emplois,
- défendre nos salaires, qui permettent de financer notre régime d’assurance chômage,
- et enfin défendre un régime d’indemnisation du chômage qui nous permette de vivre de nos métiers, et non de survivre grâce au chômage.
Ce collectif d’intermittents, mais aussi de permanents, de salariés trop souvent précaires, s’appelle le secteur Animation du SNTPCT.
Si les salariés qui le composent depuis des décennies, tous travaillant dans la production de films d’Animation, se sont organisés en syndicat, et non dans une quelconque association professionnelle, ou dans quelque collectif de circonstance, c’est parce qu’ils savent que c’est le seul moyen de donner sur le long terme un débouché à leur lutte de chaque jour, et de faire aboutir dans des accords reconnus juridiquement les revendications qu'ils ont élaborées ensemble, et qu’ils rendent publiques pour les faire partager par le plus grand nombre.
Juin 2014