LES OUVRIERS, LES TECHNICIENS, LES ARTISTES,
RÉSIDENTS FRANÇAIS
SONT EXCLUS DES TOURNAGES ET REMPLACÉS
PAR DES RÉSIDENTS BELGES
Les Producteurs délégués de certains films confient à des entreprises de production belges le soin d’engager en leurs lieu et place - ce qui est du marchandage - des ouvriers, techniciens et artistes résidents belges en remplacement des ouvriers, techniciens et artistes résidents français concourant à la réalisation du film,
afin de bénéficier de l’avantage fiscal des tax-shelters que la Belgique a institué pour la production de films cinématographiques et de films de télévision.
Ces films sont présentés à l’agrément, et néanmoins agréés au bénéfice du Fonds de soutien, sans autre réserve que la suppression des points correspondant à ces emplois,
Le bénéfice des tax-shelters étant accordé à l’entreprise de production belge à la condition que les ouvriers, techniciens et artistes justifient de la qualité de résident belge.
De ce fait, les techniciens et artistes résidents français,
soit s’expatrient et renoncent à tous leurs droits sociaux en France,
soit sont remplacés par des techniciens et artistes résidents belges.
Il s’agit, pour la part des devis correspondant au montant des salaires et des charges sociales des ouvriers, des techniciens et des artistes, d’un détournement du financement de la production du film, qui est délocalisé au profit d’une entreprise de production belge.
À cet effet, nous avons adressé un courrier le 9 avril 2018 à Mme la Présidente du CNC, lui demandant de nous faire un réponse écrite à notre demande de prendre une disposition réglementaire précisant :
Que le producteur délégué français doit engager et salarier lui-même dans le cadre de la législation sociale française, les ouvriers, les techniciens et les artistes concourant à la réalisation des films d’initiative française, dès lors que le film ne fait pas l’objet d’une coproduction franco-belge agréée par les autorités belges ;
Que, dans le cadre des accords de coproductions bilatéraux agréés par les autorités belges, les emplois des ouvriers, des techniciens et des artistes résidents français soient proportionnels au montant de la partie française de l’investissement.
Notre Syndicat n’acceptera pas que des producteurs délégués français puissent recourir à cette pratique illégale de - marchandage - qui a pour effet d’exclure les ouvriers, les techniciens et les artistes résidents français de la Production de certains des films qu’ils produisent.
LE SNTPCT EST VIGILANT ET MÈNE SANS RELÂCHE L’ACTION
POUR DÉFENDRE NOS INTÉRÊTS, POUR DÉFENDRE NOS EMPLOIS
SOYONS DE PLUS EN PLUS NOMBREUX À ÊTRE MEMBRES DU SYNDICAT
C’EST NOTRE INTÉRÊT À TOUS.
À suivre…
Paris, le 16 avril 2018
Ci-après, pour plus de détails, copie de la lettre que nous avons adressée à Mme la Présidente du CNC le 9 avril 2018 :
Paris,
le 9 avril 2018
Madame la Présidente,
La réforme de l’agrément qui a été conduite sous votre autorité, devait avoir pour objet - en particulier -, de relocaliser en qualité de salariés des entreprises de production déléguée françaises, les emplois des ouvriers, des techniciens et des artistes.
Vous vous êtes félicitée du texte de la réforme qui est intervenu.
Vous soulignez qu’une large consultation a été menée par le CNC avec l’ensemble des Organisations professionnelles.
Cependant, dans le cadre de ces consultations, parmi les nombreuses propositions que nous avons déposées par écrit, aucunes n’ont été prises en compte, en particulier celles concernant la question relative aux coproductions internationales bilatérales, et notamment celles avec la Belgique.
Un certain nombre de films d’initiative française sont présentés à l’agrément et agréés comme des « coproductions », en dehors de l’Accord de coproduction bilatéral alors qu’il s’agit de fausses coproductions où, parfois, l’apport minimal du pseudo-coproducteur belge est inférieur à 10 %. Ces films, de ce fait ne sont pas agréés par les autorités belges, et l’apport belge est considéré comme une contribution financière étrangère aux dépenses de la production du film et à l’apport du producteur délégué.
Ainsi, le CNC considère que les Producteurs délégués français peuvent produire leurs films en dehors du cadre réglementaire de l’accord de coproduction bilatéral - coproduction qui sont non assujetties aux dispositions réglementaires fixées par les Accords de coproduction bilatéraux ou à l’accord de coproduction européenne.
De ce fait, ces films ne peuvent bénéficier de la nationalité franco-belge, n’étant pas agréés par la Belgique, siège de l’entreprise de productions belge, intervenant dans le financement du film.
Dans le cadre de ces « coproductions », l’on constate que l’apport du « copro-ducteur belge » est constitué principalement par le seul montant financier que représentent les tax-shelters que leur accordera l’État belge en fonction des dépenses salariales de techniciens et d’artistes, juridiquement déclarés salariés dans le cadre du droit social belge.
Il s’agit d’un détournement de l’esprit et de la lettre de l’Accord de coproduction bilatéral qui conduit à exclure les techniciens et les artistes résidents français de la production de ces films, qui est ainsi agréé par le CNC.
En réalité, il s’agit, pour le producteur délégué du film, de recourir à un louage de main-d’oeuvre auprès d’une entreprise de production belge qui ne peut être réglementairement considérée comme coproductrice du film.
Le producteur délégué du film délègue à cette entreprise de production le soin d’engager les salariés en ses lieu et place, de tout ou partie de l’équipe technique et artistique, laquelle, afin de pouvoir bénéficier des tax-shelters, impose que les techniciens et artistes justifient de la qualité de résident belge.
Dès lors, un technicien ou un artiste, tout en ayant la nationalité française, pour pouvoir être engagé, doit s’expatrier, et perdre ainsi ses droits dont ils disposeraient en France ; sécurité sociale, droits à l’indemnisation chômage fixée à l’Annexe VIII, sauf à ne pas déclarer en France son activité en Belgique, vu le préjudice qu’il subit du fait de cette expatriation.
C’est une entrave à la libre circulation des salariés, les techniciens et artistes résidents français se trouvant ainsi exclus du tournage de ces films.
Ainsi, pour la part de dépenses correspondant à la masse salariale des techniciens et des artistes, le montant des investissements du producteur délégué, et des coproducteurs français, ainsi que ceux relatifs aux différentes aides du Fonds de soutien, des avaloirs distribution salles et audiovisuel, de l’investissement des Soficas, est transféré au profit de ces prétendus « coproducteurs belges », qui ne sont que des sous-entrepreneurs.
Le producteur délégué s’exonère d’une part de sa qualité d’employeur mais aussi de sa responsabilité économique et sociale de producteur délégué.
Ainsi, plus de convention collective à appliquer et à respecter, c’est le droit belge qui s’applique à ces salariés, plus de cotisations sociales à payer à la sécurité sociale, aux caisses de retraites complémentaires, aux Assédics.
Par ailleurs, il apparaît que c’est le producteur délégué qui prend en charge le montant des dépenses que l’entreprise de production belge déclare dans le cadre du droit social belge.
C’est ce qui apparaît au regard de la fiche signalétique du devis intitulée : « dépenses à l’étranger ».
Ces dépenses sont transférées socialement et fiscalement via une entreprise de production belge pour qu’elles puissent être prises en compte et remboursées par le fisc belge au travers du dispositif des tax-shelters que la Belgique a institué concernant la production cinématographique.
Et cette entreprise de production belge s’impute le montant correspondant à celui des tax-shelters en qualité d’investissement de coproducteur du film.
Il s’agit en réalité d’un tour de passe passe financier qui déguise le fait que ces dépenses sont à la charge du financement du producteur délégué français.
L’on peut considérer dès lors cette situation comme constituant un détournement des principes édictant la coproduction.
Il s’agit d’un détournement institutionnel de la lettre et de l’esprit des dispositions relatives au code du travail et des dispositions relatives au bénéfice du Fonds de soutien ; et d’un détournement des responsabilités incombant au producteur délégué des films d’initiative française.
Concernant la grille des 100 points, le rapport de M. Sussfeld que la réforme a pris en compte, préconisait la suppression - à l’exception de 6 fonctions - des autres
titres de fonctions de techniciens, d’ouvriers de tournage et d’ouvriers de construction figurant antérieurement ; l’ensemble de ces différentes fonctions sont affectées de 11 points, lesquels sont validés au compte du producteur délégué, à condition que le montant des dépenses afférentes à celles-ci soit supérieur à 50 %.
Ainsi les emplois et les dépenses salariales - à concurrence des 50 % - peuvent être déférées, pour un film d’initiative française, à une sous-entreprise qui n’est pas coproductrice du film et qui, par définition, ne peut être qu’étrangère pour éviter que son activité soit qualifiée de marchandage.
Ainsi les emplois des techniciens et des artistes résidents français sont remplacés par des techniciens et des artistes salariés sous droit social belge, qui, tout en étant de nationalité française, doivent justifier de leur qualité d’expatriés en qualité de résident belge.
Cette situation constitue en fait une entrave à la libre circulation des travailleurs.
C’est également considérer que la réalisation d’un film relève d’un process industriel de type standard et nier la nécessaire collaboration artistique attachée à chaque œuvre, qui doit exister entre le réalisateur et les collaborateurs de création que sont les techniciens. Faut-il souligner que chacun des films sont des œuvres de l’esprit et ne sauraient être considérées comme des marchandises standards.
Soulignons que, si le nombre de points que totalise le producteur délégué français se trouve proportionnellement diminué du nombre d’emplois supprimés, le profit qu’il retire de cette opération de marchandage et du bénéfice qu’il retire en réalité de la rétrocession indirecte des tax-shelters dont bénéficie le prétendu coproducteur belge, lui reste très largement profitable.
D’autant plus que, parfois, pour les artistes principaux de nationalité française, dont les cachets peuvent atteindre un million d’euros, ceux-ci sont déclarés résidents belges et que leurs rémunérations peuvent aussi relever du régime fiscal belge.
Ainsi certains producteurs délégués, pour un certain nombre de films, organisent par ce dispositif la production du film dans le cadre d’une coproduction qui n’en a que l’apparence.
Au vu de cette situation, il est pour le moins paradoxal que l’entreprise de production déléguée puisse bénéficier dans tous les cas des neufs points fixés pour la fonction du producteur délégué.
Ainsi la réforme a déconstruit la réglementation antérieure et offre la possibilité pour le producteur délégué de ne plus assumer l’emploi des ouvriers, des techniciens, des artistes dans le cadre du droit social français et du coût du film.
C’est une pratique qui ne doit pas perdurer et que vous ne pouvez pas cautionner.
Madame la Présidente, nous vous informons que nous n’accepterons pas le remplacement, tant sur les films d’initiative française que sur les coproductions, de tout ou partie des emplois des ouvriers, des techniciens et des artistes résidents français par des ouvriers, des techniciens et des artistes résidents belges.
Il s’agit d’une concurrence fiscale et sociale déloyale, inacceptable, mise en œuvre par les autorités belges, qui nécessite d’organiser une rencontre dans le cadre de la commission mixte de l’Accord de coproduction franco-belge.
Ainsi, la réforme des dispositions réglementaires de l’agrément, au contraire de la relocalisation des emplois, engendre, pour un certain nombre de films, la suppression des emplois des ouvriers, des techniciens et des artistes résidents français.
Aussi, nous vous demandons, de toute urgence, de prendre une disposition réglementaire - bien que l’accord de coproduction franco-belge ne fasse référence qu’à la nécessité d’observer un équilibre général concernant les contributions artistiques et techniques - précisant :
Que le producteur délégué français doit engager et salarier lui-même dans le cadre de la législation sociale française, les ouvriers, les techniciens et les artistes concourant à la réalisation des films d’initiative française, dès lors que le film ne fait pas l’objet d’une coproduction franco-belge agréée par les autorités belges ;
Que, dans le cadre des accords de coproductions bilatéraux agréés par les autorités belges, les emplois des ouvriers, des techniciens et des artistes résidents français soient proportionnels au montant de la partie française de l’investissement.
Soulignons que pour la production de films de télévision, certains producteurs ont recours à la même pratique de marchandage et remplacent les techniciens français par des techniciens résidents belges afin de bénéficier de l’effet des tax-shelters.
Cette situation de délocalisation du financement de la production des films, relatives au montant des salaires des techniciens et des artistes, s’inscrit en contradiction de l’appel formulé par le Président de la République qui appelle à « relocaliser » sur le territoire les activités industrielles et ainsi recréer des emplois en France.
Dans l’attente de votre réponse, nous vous prions d’agréer…
Pour la Présidence…