Le projet de la Commission européenne :
Assujettir
à la territorialisation des dépenses de production d’un film ?
PRODUIRE ET RÉALISER UN FILM DE CINÉMA ?
La production et la réalisation d’un film, c’est la création non d’un produit standard mais une œuvre de création originale et spécifique.
La production d’un film ne s’inscrit pas dans le cadre d’un processus d’activité industrielle comme il peut en être pour les produits manufacturés.
Une œuvre cinématographique est une expression artistique propre à chacun des films et une expression des différentes cultures, propres à chacun des pays et à leur langue.
Les lieux de la réalisation des prises de vues d’un film sont dictées par le scénario et ont lieu,
Dès lors, déterminer des conditions de dépenses de « territorialisation » pour le tournage d’un film est une gageure et, par nature, incongru.
Déterminer des conditions de dépenses pour les techniciens concourant à la réalisation d’un film, c’est considérer que la réalisation d’une œuvre cinématographique ne relève pas d’une écriture qui associe les talents, les sensibilités et les affinités culturelles et techniques des techniciens concourant à la réalisation du film.
Un film est une œuvre de création technico-artistique collective. Le choix des collaborateurs de l’ensemble de l’équipe technique appartient en premier lieu au réalisateur et au producteur (dans le cadre du respect des dispositions de la libre circulation des travailleurs) en fonction du sujet et de l’unité artistique du film.
Le directeur de la photographie, le caméraman et ses assistants, l’équipe de la prise de sons, celle du montage, le créateur de costume, le chef décorateur et la construction des décors, la coiffure et le maquillage, l’équipe machinistes, celle des électriciens, chacun à leur niveau, constituent indissociablement l’équipe de création du film. Ce ne sont pas des emplois techniques de simple exécution, interchangeables comme il peut en être au niveau de fonctions interprofessionnelles.
Cette liberté de choix est une liberté qui ne saurait être remise en cause par des questions de « dépenses de territorialisation » relatives aux techniciens participant à la réalisation d’un film et encore bien moins au choix des artistes.
Cela constituerait une atteinte à la liberté de création et conduirait à la dissolution des sensibilités culturelles et artistiques propres à chacun des films. La négation de ces valeurs aurait pour conséquence la production de films constituant une sorte d’ « euro-pudding » auxquelles conduirait inévitablement l’institution de règles de dépenses territorialisées.
Les questions liées aux « dépenses territorialisées » ne sauraient être relatives qu’aux apports des producteurs dans le cadre des coproductions aux termes des dispositions européennes sur la libre prestation de service et concerner les activités des entreprises de prestations de service que sont les laboratoires, les auditoriums, les entreprises spécialisées dans les activités de postproduction relatives aux effets spéciaux, la localisation des studios accueillant la construction des décors, les entreprises de location de matériels de machinerie, d’éclairage et de prises de vues.
On ne saurait édicter des règles de « dépenses de territorialisation » relatives au bénéfice du Fonds de soutien automatique à la Production cinématographique, lequel est alimenté par une taxe payée par les spectateurs et les téléspectateurs. Les recettes du Fonds de soutien n’étant pas prises sur le budget de l’Etat, elles ne sauraient dès lors être assimilée à une aide de l’Etat et s’inscrire en contravention des dispositions relatives à la libre concurrence.
I l en est d’une autre nature pour ce qui concerne les dispositions fiscales telles que les tax shelters ou les différentes formes de crédit d’impôt qui ont été mises en place dans un certain nombre d’États afin d’inciter à ce que le tournage des films et des dépenses relatives à leur réalisation ait lieu sur leur territoire.
Ces contributions financières des États doivent être harmonisées au niveau européen pour constituer des aides à la production de films et non pas un facteur de distorsion de la concurrence.
En effet, actuellement, elles ont pour conséquence de fragiliser les emplois du corps professionnel de techniciens et de fragiliser l’Industrie de production propre à chacun des pays – au sens où elles constituent une incitation économique conduisant le ou les producteurs délégués à jouer de la disparité des coûts salariaux et des coûts des cotisations sociales en vigueur, différemment selon les pays.
Les dispositifs de soutiens financiers des États à la Production cinématographique doivent avoir pour finalité :
L’œuvre de l’esprit que constitue chaque film ne saurait être considérée comme relevant de la fabrication d’une marchandise standard dont la réalisation pourrait faire l’objet d’une mise en concurrence avec les autres.
La richesse cinématographique de l’Europe sera constituée par l’existence de la diversité d’expression de nos différentes identités culturelles et linguistiques.
L’on dit d’un film qu’il est espagnol, qu’il est hongrois, qu’il est anglais ou qu’il est italien, etc. et l’on ne dit pas qu’un film est « européen », mais qu’il est une œuvre de l’un ou de l’autre des pays d’Europe.
Tous ces cinémas doivent cohabiter dans leur diversité, comme une richesse essentielle aux valeurs humaines individuelles et collectives qui sont institutionnellement celles de l’Europe.
Par ailleurs tous les films doivent pouvoir disposer d’aides financières européennes afin de favoriser leur diffusion dans les différents pays d’Europe et hors de nos frontières.
Le cinéma doit être une expression culturelle du vivre ensemble dans l’échange et la pluralité des cultures.
Paris, le 12 mai 2012
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