La production d’Animation Française, qui représente 40% des exportations de programmes français, ce qui en fait le 3ème pays exportateur de dessins animés après les Etats-Unis et le Japon, et le premier en Europe, emploie 5000 personnes en France dont 86% d’intermittents (75% de ces intermittents ont moins de 40 ans).
De 2004 à 2010, l’emploi dans l’animation a augmenté de 69%, avec une forte croissance entre 2004 et 2008 puisque les effectifs déclarés sont passés de 3500 à 5000 personnes ! Cette inflation a connu un ralentissement en 2009, une baisse de 6% en 2010, et s’est stabilisée depuis.
Pourtant chaque année entre 300 et 500 étudiants sortent des multiples écoles de formation aux métiers du cinéma, et viennent grossir le nombre de salariés disponibles sur le marché de l’emploi.
Le nombre des écoles formant aux métiers de l’animation a explosé ces dernières années, sans commune mesure avec ce que le marché de l’emploi dans ce secteur peut absorber. La formation aux métiers de l’animation devient un marché à part entière. Nous constatons quotidiennement les effets néfastes du décalage entre cette profusion de nouveaux techniciens arrivant sur le marché de l’emploi chaque année, et le nombre d’emploi qui n’augmente plus dans les mêmes proportions :
Il se constitue un vivier inépuisable de techniciens qui permet aux employeurs de faire pression pour maintenir les salaires au plus bas, et déroger de plus en plus à la législation du travail, les nouveaux professionnels, et même parfois les anciens étant généralement peu au courant de leurs droits.
Ce constat dessine la stratégie qui doit être celle des salariés organisés syndicalement : Faire de la pédagogie auprès de nos jeunes collègues pour leur faire prendre conscience du lien entre la pratique professionnelle et le contexte économique et sociale dans laquelle elle s’inscrit, et les convaincre de s’organiser syndicalement pour prendre aussi en charge la défense de leurs conditions de travail et de leurs salaires.
Le groupe Audiens, qui regroupe les institutions sociales des intermittents (Retraites, Santé, Prévoyance et Action sociale), recence dans le secteur de la Production de films d’Animation une petite centaine d’entreprises dont la masse salariale totale est de 83 millions d’Euros, pour 3650 intermittents et 740 permanents, soit un salaire moyen de 1575€ par mois.
Toujours d’après Audiens, le salaire annuel moyen équivalent temps plein des permanents dans ces entreprises du secteur de la Production de films d’animation est de 59.200€ pour les cadres, soit 4.933€ /mois, et 23.200€ pour les non-cadres, soit 1.933€ /mois. (Sources : Audiens)
Il est très difficile d’avoir des données chiffrées plus précises sur les intermittents, notamment de la part de Pôle Emploi, mais le rapprochement entre les chiffres d’Audiens est déjà assez parlant quant à la situation économique et sociale des salariés intermittents de l’animation :
Si le salaire moyen de tous les salariés du secteur (y compris les permanents cadres et non-cadres dont les salaires moyens sont 4933€ et 1933€) est de 1575€, il n’est pas difficile de déduire à quel niveau scandaleusement bas se situe le salaire moyen effectif des intermittents.
Ajoutons à cela :
On mesure la précarisation de plus en plus grande qui touche les salariés de ce secteur !
En effet, la production de films d’animation est d’autant moins épargnée par la délocalisation des emplois que celles-ci est facilitée par la dématérialisation qu’implique le tout numérique, et n’est pas découragée par le système du fond de soutien :
Pour tous les films d’animation, qu’ils soient 100% français ou fassent partie d’une coproduction dans le cadre des accords de coproduction internationaux, le montant du fond de soutien est déterminé par une grille de 100 points. Tout film totalisant 80 points bénéficie de 100% du fond de soutien.
Or, dans la grille de répartition des points, dans la rubrique Fabrication de l’animation, qui totalise 30 points :
On voit donc qu’un producteur peut rester dans la franchise de 20 points qui lui permet d’obtenir néanmoins 100% du Fond de Soutien même s’il délocalise toute la partie fabrication de son film, et ne garde que la partie création, réalisation, préproduction et post-production. Dans ces conditions, les Aides du CNC ne favorisent pas la relocalisation des emplois, mais au contraire l’encouragent, les postes pouvant être délocalisés étant ceux qui nécessitent le plus de main-d’œuvre.
En ce qui concerne le Cosip pour les œuvres européennes, le mécanisme, complexe et opaque, basé sur un coefficient fonction des Dépenses Horaires Françaises (DHF), n’empêche pas la délocalisation des postes les plus créateurs d’emploi, que se soit dans des pays de l’Union européenne, ou même en Extrême-Orient, puisque ce montant de dépenses peut être déterminé par les factures payées par le Producteur à des studios prestataires, où qu’ils soient.
La création au début des années 90 du SPFA (Syndicat des Producteurs de Films d’Animation), le SNTPCT a interpellé l’organisation patronale pour entamer la négociation d’une convention collective spécifique à la production de films d’animation.
En effet, tant au niveau des entreprises que des techniciens, l’activité de production de films d’animation est particulière, et son périmètre peut être aisément tracé. De plus, son économie, si elle entre dans l’économie générale de la production cinématographique et de télévision, est aussi spécifique et différente, tant en raison des durées de production plus longues que d’une rentabilisation plus étendue dans le temps et renouvelable par des ressorties destinées à de nouvelles générations d’enfants (On s’accorde à reconnaître que la rentabilisation des films d’animation est facilitée par un vieillissement beaucoup moins contraignant que la prise de vue réelle où les modes vestimentaires et décoratives sont plus sujettes à une certaine – et rapide – désuétude).
Prétendant que le secteur de l’animation était trop peu important en termes d’effectif pour justifier d’être couvert par une convention spécifique, le SPFA a choisi tout d’abord de situer la négociation dans le cadre de la convention collective des intermittents techniques de l’audiovisuelle. Le Conseil d’Etat ayant donné raison au SNTPCT dans la procédure engagée par notre organisation contre les dispositions contestables de cette convention, le SPFA s’est enfin décidé en 2003 à discuter d’une convention spécifique à notre secteur d’activité.
Malheureusement, fort des signatures qu’il avait obtenu des autres organisations syndicales dans la cadre de la convention des intermittents techniques de l’audiovisuel, c’est sur la base des salaires très bas de cet accord que la discussion s’est engagée, et malgré les efforts de la délégation du SNTPCT et la mobilisation d’une partie, insuffisante, des salariés de ce secteur, le niveau des salaires est resté très inférieur à ce que nous réclamions.
Le SNTPCT a néanmoins signé cette convention en 2004 afin de ne pas être tenu à l’écart du suivi et des négociations annuelles obligatoires, avec la ferme intention de l’améliorer.
Depuis, le SNTPCT a participé à toutes les négociations annuelles obligatoires en essayant d’améliorer cette convention qui se situe tout juste au niveau du Code du Travail, quand elle n’est pas même en dessous (exemple : nombre de jours fériés).
Malheureusement, la complaisance d’organisations minoritaires, qui, en ratifiant des dispositions inacceptables après des négociations bâclées, cassent la négociation, ne nous permet pas d’empêcher de graves reculs de nos conditions de travail.
La grille de salaires minimas, par exemple, a vu la plupart des salaires perdre entre quelques euros et 24.50€ par jour par rapport à l’augmentation du coût de la vie entre 2004 et 2012, ce qui représente une érosion du pouvoir d’achat de 122.50€ en 8 ans sur un salaire hebdomadaire!
Pour informer le plus grand nombre possible de salariés, permanents ou intermittents, qui travaillent dans la production de films d’animation de ce que les Producteurs, par leur organisation le SPFA, impose et des demandes que font en leur nom les différentes organisations syndicales de salariés, le SNTPCT a organisé deux assemblées d’information qui ont réunies, les 10 et 28 Janvier 2013 au siège du SNTPCT plus d’une cinquantaine de techniciens.
En effet, si les producteurs ont pu dégrader autant nos conditions de travail, c'est qu'en plus de trouver des organisations syndicales de salariés complaisantes qui, n'ayant peu ou pas d'adhérents dans ce secteur, signent n'importe quoi, ils n'ont pas rencontré, dans les studios, une grande résistance de la part des salariés qui trop souvent se résignent à cet état de fait. Et si les salariés s'en plaignent entre eux, ils ne se mobilisent pas suffisamment pour défendre collectivement leurs métiers.
C'est pourquoi il est temps que les salariés de ce secteur se mobilisent et prennent eux-mêmes en charge la défense de leurs conditions de travail en s'organisant syndicalement. Car ce n'est que par ce moyen qu'ils parviendront à inverser le rapport de force et à peser dans les négociations pour obtenir la satisfaction de leurs revendications.
La représentativité du SNTPCT
Les résultats des élections dans les TPE, qui doivent entrer en ligne de compte dans la détermination de la représentativité des organisations syndicales dans chaque secteur, viennent de démontrer notre représentativité : Le SNTPCT est en tête dans tous les secteurs de la production (Production audiovisuelle, production cinématographique, et production de films d’animation) avec, dans l’animation : 38,57% des suffrages pour les organisations représentatives (devant la CGT : 37,14%, la CFDT : 12,86% et la CNT : 11,43%, les autres organisations n’ayant pas atteint le seuil de 8% qui leur aurait permis d’être représentatives).
Cette représentativité, attestée de façon incontestable par ces résultats :
CONVENTION COLLECTIVE
EMPLOI