Le SNTPCT INTERPELLE les Présidents des 5 Syndicats de Producteurs de la Production Cinématographique
Ci-après copie de la lettre que notre Syndicat leur a adressée et qu’il a remise en mains propres à leurs représentants le 8 janvier 2007 lors de la dernière réunion de renégociation de la Convention et des salaires du Cinéma.
Paris, le 8 janvier 2007
M. le Président de Chambre Syndicale des producteurs de Films,
M. le Président de l’Union des Producteurs de Film,
Mrs. les Présidents de l’Association des Producteurs Indépendants,
M. le Président du Syndicat des Producteurs Indépendants,
M. le Président de l’Association Française des Producteurs de Films
Messieurs les Présidents,
Nous nous adressons à vous collectivement, mais aussi, individuellement, en vos « identités syndicales » respectives.
Dans le monde, le Cinéma français constitue l’un des patrimoines de notre culture que l’on nous envie et dont la France peut s’enorgueillir.
Sans vous, les producteurs, le Cinéma français n’existerait pas, comme il n’existerait pas sans nous, ouvriers, techniciens, réalisateurs, qui collaborons à la création, à la réalisation de chacune des œuvres cinématographiques, bien sûr sans omettre les artistes et les auteurs.
L’excellence du Cinéma français est vitale à son existence, aujourd’hui peut-être plus qu’hier, au sens où il doit affirmer fortement son identité culturelle spécifique, son identité d’écriture technique et artistique le distinguant des autres formes d’expression audiovisuelles.
Le spectateur est exigeant, qu’on ne s’y trompe pas.
C’est à partir de cette conception du cinéma – que nous voulons croire toujours d’actualité – que nous avons œuvré durant des décennies pour construire notre Industrie de production et son économie.
Œuvré dans ce cadre, pour son encadrement économique par les mécanismes réglementaires de soutien qui sont capitaux à son existence.
Force est de constater une dérive engendrée par les mécanismes actuellement en vigueur et constater que ces derniers doivent être redéfinis afin de mieux recadrer notre production cinématographique.
Dans ce cadre, œuvré par la Convention Collective Nationale de la Production Cinématographique instituée en 1950, et les barèmes de salaires minima, qui constituent le socle professionnel qui a permis l’existence de corps de métiers hautement qualifiés, essentiels au cinéma. Elle a été, durant des décennies, l’élément régulateur qui vous a permis de disposer de techniciens et d’ouvriers hautement qualifiés.
La grande majorité de vos adhérents savent qu’il est de leur intérêt d’avoir recours et de disposer d’ouvriers et de techniciens hautement qualifiés, et respecte la Convention et les barèmes de salaires minima.
Ils savent aussi que les salaires actuels constituent une garantie minimale à l’existence et à la pérennité d’un corps professionnel propre au cinéma. Au moment de la prise de retraite, on s’aperçoit que les revenus d’une vie professionnelle pour les ouvriers et les techniciens sont à peine équivalents à ceux d’un ouvrier professionnel de l’industrie.
Vous savez qu’être ouvrier et technicien relève d’un choix de vie qui n’est pas évident, au sens où ceux-ci ne sont pas assurés d’un niveau de revenu égal et constant chaque année, que leur salaire est fonction de la durée de réalisation des films et du nombre d’œuvres cinématographiques auxquelles ils sont appelés à collaborer ; cette collaboration se forgeant sur le fait de sensibilités et d’affinités professionnelles.
En effet, la réalisation d’un film est un travail d’équipe dont les membres qui la constituent partagent le même objectif, servir l’œuvre techniquement et artistiquement le plus parfaitement possible.
Votre activité de Producteur, votre responsabilité, c’est de réunir les moyens de financement nécessaires à la bonne réalisation des films avec des conditions de travail et de salaire qui tiennent compte de la situation d’emploi particulière des ouvriers et techniciens.
Même si les aides financières de l’Etat pondèrent votre responsabilité, et nous le concevons, ce n’est pas toujours une simple affaire de réunir les financements nécessaires.
Mais c’est votre responsabilité économique, votre responsabilité d’entrepreneur, pas la nôtre.
Cette responsabilité d’entrepreneur, vous ne sauriez nous la faire porter. Non seulement parce que nous devons vivre de nos salaires et que nous ne sommes pas des investisseurs, mais surtout parce que la part de salaire que vous pourriez grignoter est si infime proportionnellement au montant du devis d’un film, qu’en aucune manière elle ne saurait devoir esquiver votre responsabilité de producteur.
Annuellement, environ une soixantaine de films bénéficient de l’Avance sur recettes. Pour certains de ceux-ci, le producteur ne réussit pas toujours à réunir le financement complémentaire, nécessaire à la bonne réalisation de ses films. Dès lors, il demande à l’équipe ouvrière et technique d’accepter de lui faire « crédit » d’une partie de leurs salaires.
Mais le remboursement de ces « crédits » est toujours référencé au montant des salaires minima.
Nous considérons que c’est là une situation de droit et une situation sociale et professionnelle inacceptable.
Oui, ces films doivent se réaliser, mais nous considérons que ce n’est pas avec une partie des salaires des ouvriers et techniciens qu’ils doivent l’être.
Nous considérons qu’à partir du fait où est accordée par l’État une Avance sur recettes, il incombe au CNC, en toute hypothèse, complémentairement ou non à l’Avance sur recettes, de garantir le paiement des salaires de ceux qui réalisent les films, à hauteur des minima conventionnels.
Les moyens financiers existent et il s’agit simplement de les réorienter, d’autant qu’il ne s’agit pas de sommes considérables.
Ces films ont été choisis pour leur intérêt culturel comme contribuant à la nécessaire diversité d’expression de notre Cinéma. Ils se doivent d’exister et d’être réalisés aussi avec des professionnels qualifiés, comme tous les films.
À partir de cette situation particulière aux films d’Avance sur recettes, et notamment depuis la réforme de l’Agrément qui a supprimé l’obligation faite aux producteurs de présenter un devis en justifiant de son financement, nous assistons de la part de certains producteurs à une pratique qui consiste à imposer des conditions de salaires aux équipes, équivalentes.
Cette pratique, si nous n’y prenons garde, pourrait être mortelle pour le Cinéma français.
Il nous appartient, à vous comme à nous, de prendre garde à cette situation et d’y mettre un terme.
En effet, à très court terme, elle constitue une menace de désagrégation, de déqualification du corps professionnel des ouvriers et techniciens du cinéma.
Pour ce faire, la Convention collective de la Production cinématographique et ses grilles de salaires minima actuelles, doivent être obligatoirement respectées sur tous les films sans exception et doivent constituer la règle de concurrence et de déontologie professionnelle incontournable.
Pour ce faire également, il doit être ré-institué par le CNC, les conditions d’agrément préalablement au tournage de tous les films sans exception, en justifiant que ceux-ci réunissent les conditions de financement nécessaires à leur réalisation et notamment au paiement des salaires.
Les salaires ne sauraient être des créances sur d’hypothétiques recettes.
Penser réduire les conditions de rémunérations des ouvriers et techniciens de la Production cinématographique constituerait une remise en cause de la pérennité d’existence du corps professionnel qui vous est indispensable pour l’excellence technique et artistique de la réalisation des films que vous produisez.
Excellence qui, aujourd’hui plus qu’hier, s’impose à vous. S’impose au Cinéma.
Dans le cadre de nos négociations, s’il convient de compléter la Convention collective sur un
certain nombre de dispositions, nous devons d’abord prendre le temps nécessaire, à savoir, se donner comme délai la fin du premier semestre de cette année.
Dans ce cadre, la négociation doit être réordonnée sur la base de chapitres ainsi définis :
- D’abord par la définition de son champ d’application où l’entreprise de production cinématographique doit être définie aux termes de ceux fixés par le Code de l’Industrie Cinématographique, à savoir que l’activité des entreprises de production cinématographique est spécifique et doit le rester.
- Il convient ensuite de répartir en deux grands chapitres la structure de la Convention :
- Ce chapitre doit faire l’objet d’annexes spécifiques:
- Nous avons également à poursuivre le travail que nous avons entamé sur les définitions de fonctions.
- Concernant les grilles de salaires minima, nous demandons comme cela a été fait en 1975, de porter un montant fixe de revalorisation à tous les salaires, afin de porter une revalorisation inversement proportionnelle remontant les salaires les plus bas et resserrant l’échelle des rémunérations.
Tous les ouvriers et techniciens professionnels qui étaient dans la rue le 29 novembre 2006, et les près de 2000 signataires de la pétition que nous avons déposée, vous disent qu’ils n’accepteront pas la disparition de la Convention Collective Nationale propre à la Production Cinématographique et qu’ils n’accepteront pas la remise en cause de leurs conditions de rémunérations et de travail telles que fixées actuellement.
Et qu’ils sont déterminés à mener d’autres actions et notamment des actions de grèves dont vous porterez l’entière responsabilité si vous continuez à refuser de les écouter.
Aussi nous vous demandons, au titre de vos organisations respectives, de faire réponse à leurs demandes et de négocier sur les bases actuelles de la Convention collective.
En vous remerciant de votre attention, veuillez agréer, Messieurs les Présidents, l’expression de nos sentiments distingués.
Pour la Présidence du SNTPCT
Le Délégué Général,
Stéphane POZDEREC