Production cinématographique
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COMMUNIQUÉ DU 20 FÉVRIER 2013
LES EFFETS DESTRUCTEURS DE LA PRODUCTION CINÉMATOGRAPHIQUE
GÉNÉRÉS PAR LE DÉMANTÈLEMENT DE LA RÈGLEMENTATION
DU CENTRE NATIONAL DU CINÉMA
QUI ENCADRAIT LA PRODUCTION CINÉMATOGRAPHIQUE
Démantèlement qui a consisté
à :
- Supprimer l’obligation réglementaire – pour
tous les films sans exception –
de déposer avant le début des prises de vues une demande d’agrément préalable justifiant notamment du financement de la production et des conditions techniques et artistiques de réalisation du film.
Il résulte de cette déréglementation
une augmentation du nombre de films produits en dehors de tout contrôle
préalable qui s’est traduite par une augmentation du nombre de
films agréés, passant de 181 films en 1999 à 278 films
en 2012.
- 26 films ont été ainsi agréés en 2012 une fois
terminés. Ces 26 films ont tous un devis inférieur à 1
million d’euros.
Le CNC souligne dans l’un de ses bilans qu’ : « il est difficile de dénombrer parmi ces films lesquels auraient pu être agréés dans l’ancien système. Qu’il est indéniable que la réforme de l’agrément a fait entrer dans les statistiques un certain nombre de films qui en auraient été exclus auparavant. Que le documentaire est particulièrement représenté dans cette population de films. ».
En 1999, 19 films sur 150 avaient un devis inférieur
à 1 million d’euros. En 2012, 58 films ont un devis inférieur
à 1 million d’euros… dont 30 documentaires.
Cette augmentation du nombre de
films présentés à l’agrément du CNC découle
notamment :
– du fait que la réglementation applicable aux aides du Compte de Soutien aux Industries de Programmes (CoSIP) impose au Producteur d’une œuvre de fiction de télévision ou d’un documentaire de télévision de justifier obligatoirement d’une participation financière en coproduction d’une société de télédiffusion,
– ce qui n’est pas le cas pour la production cinématographique pour laquelle l’on constate en 2012 que, sur un total de 208 films, 69 films dont les devis sont inférieurs à deux millions d’euros ne bénéficient dans leur plan de financement d’aucun concours financier sous forme d’à-valoir - distribution salles ou de préachat de droits de diffusion par une chaîne de télévision.
Dès lors de nombreux films de fiction, ou documentaires qui n’ont
pu être réalisés comme films ou documentaires de télévision,
sont présentés au CNC comme des films cinématographiques.
Soulignons qu’en 1999, seuls 6 films, dans leur plan de financement ne
justifiaient d’aucun concours distribution salles ou télédiffusion.
En 2012, on en dénombre 69…
- Déterminer le montant du soutien
financier du CNC par une grille de 100 points
Pour tous les films sans exception, qu’ils soient des films 100 % français
ou des films faisant l’objet d’une coproduction dans le cadre des
Accords de coproduction internationaux,
Le montant du Fonds de soutien est déterminé sur le fondement
d’une grille de 100 points, dont 20 points au titre de la langue de tournage.
Tout film totalisant 80 points bénéficie de 100 % du soutien,
s’il justifie de 85 points, il bénéficie en cas d’investissement,
d’une majoration de 5 % du soutien généré et d’une
majoration de 25 % du montant du soutien investi.
Dans le cadre de cette grille de 100 points, les Producteurs bénéficient d’une franchise de 20 points :
- sachant que le groupe : Techniciens collaborateurs de création, exception faite du Réalisateur, compte pour 14 points,
- que le groupe Ouvriers de tournage compte pour 4 points,
- que celui des Ouvriers de construction de décors compte pour 2 points,
les producteurs ont toute possibilité de substituer à l’emploi
des techniciens et ouvriers résidents français salariés
en application de la législation sociale française, soit des techniciens
et des ouvriers salariés comme expatriés, soit de leur substituer
des techniciens et des ouvriers résidents dans le pays du lieu de tournage
via une filiale du producteur délégué assurant les dépenses
dans le pays étranger pour son compte,
- sans qu’à concurrence
de ces 15 ou 20 points, soit appliquée au producteur la moindre réduction
au soutien financier accordé par le CNC.
Les producteurs peuvent dès lors jouer librement du dumping des coûts
salariaux et chercher à bénéficier en Belgique ou bien
au Luxembourg de l’avantage fiscal que représentent les tax-shelters
sur les dépenses effectuées à l’étranger.
- Le CNC incite les Producteurs à délocaliser les tournages des films à gros budget et à externaliser l’emploi des ouvriers et des techniciens et les Industries techniques en agréant de fausses coproductions internationales …
Le CNC considère que les producteurs peuvent librement « co-produire » un film en dehors des Accords de coproduction bilatéraux internationaux, en ayant recours à une entreprise de production de droit étranger, jouant le rôle de « producteur exécutif » qui se substitue au Producteur Délégué du film, afin de leur permettre de prendre en charge des dépenses salariales et des dépenses d’Industries techniques, afin de bénéficier des avantages fiscaux – Tax shelters et autres… de l’État de résidence des dits producteurs exécutifs.
Ces « Producteurs exécutifs » ne sont, contrairement aux accords de coproduction internationaux, en aucun cas copropriétaires du négatif, ni de droits d’exploitation des films.
Ces pseudo « coproductions » ne sont pas agréées ni reconnues comme des coproductions par l’État du pays où siègent lesdits producteurs exécutifs, mais le CNC les agrée en France comme des films de coproduction internationaux.
Le CNC considère comme nuls et non avenus les Accords Internationaux de coproduction bilatéraux en considérant qu’un Producteur Délégué français peut librement et unilatéralement produire son film via une société étrangère non coproductrice du film et voir le CNC qualifier de coproduction internationale la production de ces films ainsi délocalisés.
- Cette situation permet ainsi aux Producteurs Délégués français de délocaliser les tournages à l’étranger et, à concurrence de la franchise de 20 points concernant les emplois des ouvriers et techniciens et des trois points concernant le lieu de tournage, de bénéficier du Fonds de soutien du CNC et de bénéficier des Tax-shelters belges ou luxembourgeoises par des dépenses qu’ils font prendre en compte par ce « producteur exécutif » - qui est un faux coproducteur.
- Dans l’intérêt général de la Production cinématographique, il est urgent qu’une réforme de la réglementation actuellement en vigueur soit rapidement examinée et promulguée et mette un terme aux dérives actuelles.
À cette fin, Monsieur le Président du CNC, à notre demande et à la demande de l’ensemble des membres siégeant à la Commission d’agrément, a mis en place un groupe de travail réunissant les représentants des Organisations de producteurs et des Organisations syndicales de salariés.
Actuellement, les réunions de ce groupe de travail sont suspendues. Il est nécessaire que celles-ci reprennent.
- Nous demandons en particulier que cette réforme
:
- Rétablisse pour tous les films sans exception l’obtention d’un agrément préalable avant le début des tournages des films.
- Subordonne la décision d’agrément préalable à la justification du financement du film.
- Supprime la franchise de 20 points actuellement en vigueur pour la production des films 100 % français – cette franchise de 20 points ne devant s’appliquer que dans le cas de production de films produits dans le cadre des accords internationaux de coproduction –.
Cette suppression de la franchise de 20 points pour les films 100 % français, a pour objet d’inciter les producteurs à ne pas délocaliser l’emploi des ouvriers et techniciens et, également, de les inciter à recourir à des entreprises de prestations techniques françaises.
- Concernant la production de films dans le cadre des Accords de coproduction internationaux, nous considérons que celle-ci doit être fondée sur des principes stricts de réciprocité et d’équilibre et non constituer un moyen pour les producteurs de mettre à profit les moindres coûts salariaux, sociaux et fiscaux pour délocaliser l’emploi des ouvriers et techniciens au profit du coproducteur étranger.
- Il convient que l’apport en emploi et en industries soit proportionnel à l’apport financier de chacun des coproducteurs et que cette proportionnalité soit une règle strictement appliquée et non un principe aléatoire.
- Il convient également que les tournages en studio ne soient pas délocalisés et se déroulent sans dérogation dans les studios établis sur le territoire de la partie majoritaire.
- Afin de maintenir et de garantir l’existence d’un corps professionnel d’ouvriers et de techniciens qualifiés et expérimentés, il convient de ré-instituer un dispositif réglementaire se substituant à l’ancienne réglementation sur les Cartes d’Identité Professionnelles.
Il s’agit de garantir une pérennité d’existence professionnelle et sociale des ouvriers et techniciens qualifiés et de garantir aux producteurs de pouvoir disposer, pour chacune des branches professionnelles de techniciens expérimentés.
- Nous pensons qu’il convient également de ré-instituer une autorisation d’exercice de producteur délégué en rétablissant la justification pour les entreprises de production déléguées d’un capital entièrement libéré d’un montant qui ne saurait être inférieur à 50 000 euros, afin de responsabiliser économiquement, socialement, l’activité de Producteur délégué.
- Nous demandons instamment que le CNC interdise catégoriquement le recours des producteurs délégués des films, dès lors que le tournage a lieu sur le territoire d’un pays étranger, à une entreprise non-coproductrice du film qui emploierait en lieu et place de ceux-ci les ouvriers et techniciens concourant à la réalisation du film, en déléguant à cette entreprise étrangère le soin d’engager, en lieu et place du producteur délégué, les ouvriers et techniciens résidents français sous statut d’expatriés dans le pays étranger du lieu de tournage ; comme cela a été le cas pour la réalisation du film intitulé : « Or noir »,
Le non respect de cette règle entraînant la suppression de l’agrément du film au bénéfice du Fonds de soutien.
Il convient que le rôle institutionnel du Fonds
de soutien à la Production cinématographique soit ré-institué
et ne puisse constituer une incitation financière de
l’État à délocaliser l’emploi et le recours
aux Industries de prestations techniques en jouant du dumping social et du dumping
fiscal au préjudice social et économique de la
France et de notre expression culturelle.
Ces propositions de réformes participent de l’intérêt général du Cinéma français, de sa diversité, de sa notoriété technique et artistique et doivent permettre de restituer la fonction institutionnelle qui avait été dévolue à l’origine au Fonds de soutien de l’État à la production cinématographique.
Il relève de la responsabilité de Madame la Ministre et de Monsieur
le Président du CNC de mettre en place dans les meilleurs délais
un groupe de travail réunissant les Syndicats de Producteurs
et les Organisations syndicales de salariés représentatives des
Ouvriers, Techniciens, Réalisateurs et des Artistes,
afin de ré-instituer un cadre règlementaire, économique,
artistique et technique de la Production cinématographique des films
français et des films réalisés dans le cadre des Accords
internationaux de coproduction.
Rappelons que, Monsieur le Président de la République, Monsieur le Premier Ministre ont affirmé, ce dont nous nous réjouissons, que la première priorité du Gouvernement est l’emploi.
Nous voulons croire que cette priorité est également celle de Madame la Ministre de la Culture.
Le Conseil Syndical